Après « L’odyssée de Salamandre », premier tome de Les Chroniques du Nouveau-Monde, Joffrey Lebourg, auteur passionné de l’imaginaire, continue de développer son lore en mythologie, magie et batailles épiques avec « La quête de Salamandre » …
Mais au-delà de son côté très divertissant, ce deuxième volet gagne en maturité, en traitant notamment de sujets qui sont également d’actualité comme la mémoire collective, notre rapport au temps qui passe et les différences entre les générations et leurs discours.
Dès le début du roman, la notion de « mémoire collective » s’impose assez rapidement comme étant un sujet qui sera exploité par l’auteur en profondeur. Le Nouveau-Monde est bâti sur les ruines des civilisations passées, et les personnages sont confrontés à ce qui reste, ce qui a été forgé par ceux qui les ont précédés… Mais ces vestiges sont doubles : d’un côté, il s’agit des ruines des peuples disparus, et de l’autre, des récits et légendes contées par les Gardiens, qui se présentent eux-mêmes comme les sauveurs de l’humanité. Un discours qui n’a rien de bien modeste, mais à quoi nous attendions-nous, de la part d’immortels qui règnent sur toutes les terres ?
Ce Nouveau-Monde est un melting-pot de cultures antiques ramenées à la vie par les Gardiens. Alors certes, le concept est intriguant, mais il a aussi son lot de conséquences négatives…
Salamandre, héroïne principale des Chroniques, fait face aux réminiscences, aux échos des destructions effectuées par « le Plan S », ce qui rappelle aussi l’ordre 66, dans lequel les chevaliers Jedi sont exterminés. Dans l’une des scènes les plus marquantes du roman, Salamandre explore une cité en ruines où la nature a repris ses droits, mais les murmures du passé semblent encore résonner dans la pierre. Est-ce vraiment définitivement perdu ? La façon dont Joffrey Lebourg écrit cette scène fait penser à un cimetière.
« Les pierres murmuraient encore les noms de ceux qui avaient vécu ici. Chaque pas résonnait comme un écho lointain, comme si le passé refusait de disparaître. »
Est-ce que cela signifie que la nouvelle génération est forcée de vivre dans l’ombre des anciennes civilisations ? Les survivants du Nouveau-Monde seraient donc devenus les esclaves des mensonges transmis par Les Gardiens : une théorie que l’on retrouve dans le chef d’œuvre japonais « L’Attaque des Titans ». Les Gardiens détiennent une mémoire millénaire et l’utilisent pour manipuler la perception des événements historiques. En contrôlant le passé, ils s’assurent de maintenir leur domination sur les survivants.
« Ils disent que nous avons besoin d’eux pour nous rappeler ce que nous avons perdu, mais à chaque mot, c’est eux que l’on glorifie, et non ceux qui sont tombés. »
Joffrey Lebourg s’amuse avec la perception du temps, brouille les frontières entre passé, présent et futur.
Ainsi, le lecteur lui-même est en proie au même phénomène qui sévit dans son univers. Il prend part à l’expérience et peut facilement s’identifier aux survivants, puisque les immortels, les « Gardiens » semblent trop éthérés, comme des anges ou des démons. Ce décalage est l’une des raisons pour lesquelles Salamandre se sent de plus en plus éloignée de son père, Joffrey, le Gardien du Feu. Alors qu’elle évolue et change, grandit, vieillit… Lui reste figé dans un état d’immuabilité, il est statique. Comment parvenir à communiquer, quand le fossé est aussi profond entre les deux ?
Il fait partie des Gardiens, ceux qui ont reconstruit le monde après sa destruction, mais ce que Joffrey considère comme un acte de salut est perçu par les jeunes générations comme un terrible fardeau. Tout comme le vrai monde, c’est-à-dire la réalité, les jeunes ont l’impression de payer le prix fort des « sacrifices » ou des erreurs des générations précédentes. Avec une planète au bord de la crise de nerf, on comprend pourquoi l’héritage laissé par nos grands-parents pose tant problème. C’est pourquoi Salamandre est une héroïne aussi humaine, avec laquelle on peut s’identifier, malgré son statut de sang-mêlé. Elle refuse d’être esclave d’une condition qu’elle n’a pas choisi : elle sera qui elle veut.
Salamandre n’hésite pas à confronter son propre père sur les choix qu’il a faits lors de la destruction du vieux monde et la création du nouveau.
« Nous héritons de vos erreurs, et vous nous demandez de nous en réjouir ? Je ne veux pas porter le fardeau de vos décisions, je veux écrire ma propre histoire. »
Avec ce deuxième tome : « La quête de Salamandre », Joffrey Lebourg invite le lecteur à réfléchir en profondeur. Et vous, comment réagiriez-vous à la place de l’héroïne de cette saga ?
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