Il est de ces récits qui vous accrochent à la gorge dès les premières pages. La Wolf en fait partie. Éric Wolfer, dans un style à la fois cru et pudique, y raconte l’enfance d’un garçon qu’on a extrait trop tôt de son cocon familial, pour le plonger dans la froide mécanique de la protection judiciaire. Rien ne nous est épargné : ni les colères, ni les humiliations, ni la violence institutionnelle. Et pourtant, à travers cette douleur, quelque chose palpite. Une forme de lucidité désarmante. Une humanité blessée mais debout.
Le récit commence dans le fracas du placement, mais remonte plus loin : à une mère aimante mais étouffante, à un père absent sans être indifférent, à une scolarité heurtée. Très vite, La Wolf devient une fresque intérieure, celle d’un enfant qui n’a pas les codes pour entrer dans le moule, et qui préfère le terrain de sport aux salles de classe.
Le sport comme territoire de reconquête
Ce qui sauve, dans ce livre, c’est le mouvement. L’élan. Le corps. Le sport devient un langage, un refuge, une échappatoire. Football, handball, ski, boxe et surtout volleyball — autant de disciplines qui permettent à Éric Wolfer de retrouver un territoire qu’il peut habiter sans honte. Là où l’institution enferme, le sport libère. Là où la société étiquette, le jeu réinvente.
On lit, entre les lignes, la force salvatrice du collectif. Le ballon, la passe, le rythme — autant de fragments qui reconstruisent un être, pierre après pierre, muscle après muscle. Ce n’est pas le mythe du « surhomme » que raconte Wolfer, mais celui de l’homme debout, malgré tout.
Une écriture du réel, traversée d’émotion
Grâce à Mélodie Ducoeur, autrice notamment de Le royaume de Séraphin, le texte trouve sa respiration. On sent dans chaque phrase le respect de la voix originelle, brute, directe, mais façonnée pour ne jamais perdre le lecteur. Il y a dans La Wolf une tension entre la rugosité du vécu et la beauté d’une langue qui tente de tout retenir, de tout nommer.
Les souvenirs affleurent par vagues, souvent bouleversants, parfois drôles. Le récit devient mémoire vivante, presque orale, comme un grand frère qui vous parle dans une cour de lycée, avec un mélange de pudeur et d’aplomb.
Un livre à part, profondément humain
La Wolf est un livre rare, parce qu’il ose raconter ce qu’on cache souvent sous les statistiques de la jeunesse « en difficulté ». Il donne un visage, une histoire, une voix à ceux qu’on préfère ignorer. C’est un récit d’errance, de fêlures, de chutes, mais aussi de luttes, de rencontres, de dépassement de soi.
Ce n’est pas une success story à l’américaine, mais une traversée humaine. Une histoire de survie qui, à force de vérité, finit par ressembler à une leçon d’espoir.
La Wolf est plus qu’un livre. C’est le cri d’un loup blessé devenu guide pour les autres, une œuvre qui nous rappelle que derrière chaque silence, il y a une histoire qui mérite d’être entendue.
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