France : polémique autour de la décoration d’un centre anti-immigration

Des artistes s’insurgent contre la commande artistique pour une future structure dédiée à la formation à la lutte contre l’immigration clandestine à Amiens, y voyant une instrumentalisation de l’art au service de politiques répressives.

« Nous ne décorerons pas vos murs de haine ». La lutte est engagée contre le projet de décoration du futur Centre de formation à la lutte contre l’immigration irrégulière et clandestine (CFLIIC0) prévu à Amiens au sein de la caserne Garin.

Pour le Syndicat national des artistes plasticiens (SNAP-CGT) en effet, il n’est pas question de participer à cette initiative lancée par un appel d’offres du ministère de l’Intérieur le 27 mai.

Le document, publié sur le site du ministère de la Culture et ouvert jusqu’au 27 juin, vise à « commander une œuvre pour le CFLIIC » à « un artiste ou collectif artistique ».

« L’œuvre favorisera une mise en contact quotidienne de la création contemporaine avec les usagers présents temporairement dans le bâtiment pour actualiser leurs compétences et leurs connaissances, dans une démarche de formation continue », indique l’appel d’offres, qui prévoit une enveloppe globale forfaitaire prévisionnelle de 38 000 euros.

Haro sur l’« art-washing » !

Difficile de connaître à ce stade le nombre de candidatures déjà enregistrées pour ce projet, le budget de 38 000 euros pouvant séduire de nombreux artistes. Mais certainement pas le SNAP-CGT.

Le syndicat a ainsi dénoncé, dans un communiqué publié le 6 juin, une « instrumentalisation inacceptable des arts visuels au profit d’une politique raciste et répressive ».

Cette mobilisation s’inscrit dans un contexte de durcissement de la politique migratoire française depuis l’arrivée de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur, figure connue pour ses positions de droite voire d’extrême droite sur l’immigration.

La colère des artistes se nourrit également du contenu du cahier des charges qui inclut, selon le quotidien Libération, l’apprentissage du « contrôle de véhicule », de la « maîtrise sans arme de l’adversaire » et du « menottage ». Pour le SNAP-CGT, de telles orientations « entravent la liberté artistique » et s’apparentent à de l’« art-washing ».

Un dispositif légal détourné de son esprit ?

Zahia Hamdane, députée insoumise de la Somme, dénonce sur Facebook « une œuvre au service d’un projet aux relents xénophobes et sécuritaires », rappelant que « l’art ne doit jamais servir à légitimer des politiques de stigmatisation ».

Sylvette Chevalier, responsable locale de la Cimade, association de solidarité avec les migrants, qualifie le projet d' »aberrant » et plaide pour que l’argent soit plutôt investi dans l’accueil des personnes migrantes.

La polémique soulève des questions plus larges sur l’usage du fameux « 1% artistique », dispositif créé en 1951 pour démocratiser l’accès à l’art dans l’espace public et qui sous-tend le projet selon les initiateurs. « C’est un grave détournement de la mission de l’art public, mis ici au service d’une idéologie mortifère », cingle Zahia Hamdane.

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