Le projet initié en 2022 n’aboutira finalement pas sur la chaîne sportive. Les motifs officiels demeurent flous et suscitent des questions.
« Ça ne sortira pas« . La phrase lâchée vendredi 15 août par Spike Lee concernant le documentaire qu’il devait réaliser sur Colin Kaepernick a été confirmée le lendemain par un communiqué d’ESPN transmis à Reuters.
« ESPN, Colin Kaepernick et Spike Lee ont collectivement décidé de ne plus poursuivre ce projet en raison de certaines différences créatives », a déclaré la chaîne sportive, saluant « le travail acharné et la collaboration qui ont été consacrés à ce film ».
On n’en saura pas davantage sur les véritables raisons de cette décision. « C’est tout ce que je peux dire », avait déclaré la veille Spike Lee lorsque la question lui avait été posée. Le cinéaste s’était contenté de préciser qu’il était lié par un accord de confidentialité.
Pour tenter de comprendre les enjeux de cette annulation qui intervient après trois années de travail, il faut revenir à la genèse de ce projet, à savoir l’épisode qui a fait de Kaepernick l’une des figures les plus controversées de l’Amérique contemporaine.
Un contexte historique lourd de sens
En 2016, alors qu’il évoluait sous les couleurs des San Francisco 49ers en NFL, l’athlète aujourd’hui âgé de 37 ans avait choisi de s’agenouiller pendant l’hymne national américain avant les matchs, geste symbolique de protestation contre le racisme systémique et les brutalités policières.
D’un côté, ses soutiens y voyaient un acte de courage civique, une utilisation légitime de sa notoriété pour attirer l’attention sur des injustices sociales. De l’autre, ses détracteurs dénonçaient un manque de respect envers les symboles nationaux et les forces armées.
Le mouvement avait particulièrement irrité Donald Trump, alors président, qui n’avait pas hésité à qualifier les joueurs protestataires de « fils de pute » lors d’un meeting en Alabama, appelant les propriétaires d’équipes à les « virer ».
De quoi transformer un geste de protestation individuel en crise nationale, impliquant la Maison-Blanche, la NFL et l’opinion publique. Depuis, le quarterback né d’un père afro-américain demeure sans club, la plupart des observateurs considérant qu’il fait désormais l’objet d’un boycott qui ne dit pas son nom.
Des tensions créatives révélatrices
Selon les informations révélées l’année dernière par Puck News, des tensions étaient déjà perceptibles entre Colin Kaepernick et Spike Lee concernant l’orientation éditoriale du documentaire promis comme un récit complet et personnel du parcours de Colin Kaepernick.
La série de huit épisodes bénéficiait pourtant d’une équipe de production prestigieuse, avec notamment Jemele Hill comme coproductrice. Cette ancienne journaliste d’ESPN, elle-même controversée pour ses prises de position politiques, avait été sanctionnée par la chaîne en 2017 après avoir qualifié Trump de « suprémaciste blanc largement entouré d’autres suprémacistes blancs ».
L’annulation du documentaire intervient dans un contexte politique particulièrement tendu. L’administration Trump a intensifié sa pression sur les médias critiques, multipliant les poursuites judiciaires contre les organes de presse.
Parallèlement, le gouvernement s’attaque aux programmes de diversité, équité et inclusion (DEI) dans les entreprises privées et les institutions éducatives, les qualifiant de discrimination illégale contre les Américains blancs.
Poster un Commentaire