Le premier roman de Julia Brandon, Les passagers, paru chez le Lys Bleu mêle créativité et références classiques typiques du genre fantastique.
Dans la Vallée de Pallia, le petit Félix semble développer un attrait naturel pour la magie… Mais existe-t-elle vraiment ? Le monde instauré par l’écrivaine ne manque pas d’originalité. Grâce à un lexique très rattaché à l’enfance, rien ne laisse présager la tournure obscure des évènements à suivre. En ce sens, l’artiste a parfaitement réussi à brouiller les pistes. Cette fiction qui se lance tel un roman de littérature jeunesse aborde également des aspects et thématiques plus adultes, comme l’addiction ou l’infidélité.
L’ouvrage pourrait être résumé ainsi : le professeur dépressif Gustave est l’oncle du petit Félix. Cet enseignant triste a vécu une tragédie. Veuf et père d’une enfant retrouvée morte dans la rivière à quelques pas de chez lui, il ne peut se résoudre à laisser partir les amours qui ont forgé son existence. Dans l’espoir fou de ramener à la vie Nejma, Gustave se rend dans le repaire de Grimal. Cet étrange personnage qui vit dans les bois vend des sucreries qui font voyager dans le passé. L’objectif de l’enseignant est donc de sauver la petite, mais l’exercice périlleux absorbe son énergie. De plus, ses nombreux essais ne débouchent à rien, si ce n’est le traumatisme de découvrir la dépouille de l’enfant en boucle… D’une manière ou d’une autre, le destin de Gustave paraît lié à celui de Félix. Les deux personnages démontrent des talents innés pour la magie, dont la télépathie et le pouvoir de marcher sur l’eau. Malheureusement, ces compétences semblent fortement déplaire à la famille du petit Félix dont sa sœur jumelle Caméo et ses parents, Séraphin et Hostie.
Différent et mis à l’écart pour cette raison, Félix se réfugie dans cette amitié qu’il construit avec Gustave. Après avoir consommé la même confiserie, celui-ci comprend l’ampleur de ses conséquences. De fil en aiguille, Félix est intégré à la sphère des magiciens au sein du manoir de Sylvestre. Enfin, de nouveaux éléments s’ajoutent à l’enquête menée par Gustave, lors de ses voyages dans le passé. Par exemple, il est déterminé — au début du récit, que la jeune Nejma est morte dans un accident. Noyée, la petite n’aurait pas survécu à la chute. Mais à force d’explorer ce passé énigmatique, Gustave repère des points étranges, des confidences qui font froid dans le dos…
Dans ce climat tendu où les nerfs du lecteur sont à vif, des retournements de situation chaotiques instaurent une ambiance terrifiante. Le roman perd en innocence et révèle une autre face, nettement plus dérangeante. Victime des secrets de famille honteux dissimulés et mal enterrés, Félix connaît des difficultés. Loin d’être épargné par son auteure, le jeune héros subit et souffre. Certains personnages de l’ombre surgissent, certains sont lâches, d’autres sont pathétiques. Tout d’abord puissants et réduits à néant, ils annoncent la couleur : la magie ne résout pas tout.
Par ailleurs, ce roman séparé en deux parties expose deux tons, deux ambiances. La première est dynamique, candide mais avec une pointe d’oppression. La seconde plonge le lecteur dans un univers dépourvu de joie, où la vallée de Pallia se transforme en fantôme. Le personnage de Gustave se démène pour rétablir la situation. Dans cet océan d’intrigues superposées, le lecteur s’interroge sur l’issue de ces mésaventures. Entre réincarnations et changement de dimensions, Les Passagers fascinent.
Enfin, le roman fantastique comprend également son lot de romance. Par ailleurs, les relations prennent une place primordiale dans la narration. Ce sont ces unions qui font et défont les familles. Entre infidélités, drames conjugaux et passion amoureuse, le lecteur attiré par le genre de la romance en sortira satisfait. Parmi les thématiques abordées dans cet ouvrage, le sujet de l’âme est particulièrement bien traité. Reconnue comme une entité matérielle et spirituelle, cette essence terrifie et rassure. Cela signifie qu’après la mort, le souvenir perdure sous la forme de l’être. Tout au long de l’intrigue, l’on suit les attentes et l’espoir fou d’un homme obsédé à l’idée de sauver tout le monde. Gustave incarne la quête sans cesse renouvelée, avide de voir ce monde heureux. Malheureusement, le chemin s’avère nettement plus complexe et les tragédies s’enchaînent. Malgré une pointe d’humour, le roman Les Passagers offre une expérience lourde, truffée de références à d’autres œuvres qui l’ont inspiré. L’histoire originale joue avec les attentes du lecteur, qui sera surpris par ce final déstabilisant. Un premier essai dans la cour des récits longs, que l’on doit à une écrivaine passionnée par le fantastique.
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