Bayeux : un prêt qui ne passe pas

Plusieurs dizaines de milliers de personnes protestent contre la décision d’Emmanuel Macron de transférer la célèbre œuvre médiévale au British Museum de Londres, par crainte d’endommagement.

La Tapisserie de Bayeux ne devrait pas traverser la Manche. C’est le plaidoyer porté par une mobilisation en cours à travers une pétition signée par plus de 60 000 personnes. Initiée par le fondateur et rédacteur en chef du magazine La Tribune de l’Art, Didier Rykner, elle s’oppose au déplacement de la célèbre broderie également connue sous le nom de « Tapisserie de la Reine Mathilde ».

Dans le cadre d’un échange artistique entre la France et le Royaume-Uni, le président français Emmanuel Macron avait annoncé lors d’une visite d’État à Londres en juillet dernier l’accueil de l’œuvre par le British Museum.

Selon les termes de l’accord annoncé par l’Élysée et présenté comme un geste d’amitié entre les deux nations, la Tapisserie de Bayeux devrait être exposée au musée londonien pendant neuf mois à partir de septembre 2026.

Cette décision présidentielle semble toutefois entrer en contradiction avec les recommandations des experts en conservation, comme l’indique Rykner dans les colonnes du Guardian.

Les graves préoccupations des conservateurs

« Je ne suis pas contre le prêt d’artefacts culturels et j’ai toujours aimé le Royaume-Uni. Mais c’est une décision purement politique. Voici une œuvre d’art extraordinaire, un document historique entièrement unique, un artefact sans équivalent nulle part ailleurs – et que l’avis d’experts s’accorde massivement à dire qu’il ne peut pas voyager », explique-t-il.

Les fragilités de cette œuvre millénaire sont multiples et préoccupantes. Selon la BBC, le support en lin, vieux de près de mille ans, présente une résistance mécanique considérablement affaiblie par le temps. Les fibres textiles ont perdu leur élasticité d’origine et risquent de se rompre sous les contraintes du transport.

Les variations de température et d’humidité inhérentes à tout déplacement pourraient provoquer des dilatations et contractions du support, entraînant des déchirures irréversibles. De plus, la méthode d’exposition actuelle, qui consiste à suspendre la tapisserie, a accentué sa fragilité au fil des décennies.

Une décision politiquement motivée ?

Cette inquiétude est partagée par les professionnels qui travaillent sur l’œuvre. Cinq conservateurs et restaurateurs ont fait part à Rykner – sous condition d’anonymat – de leur incrédulité et de leur préoccupation.

« Nous sommes tombés de nos chaises quand nous avons entendu cela. C’est l’opposé de tout ce pour quoi nous nous étions préparés », a déclaré l’un d’entre eux. Pour l’historien de l’art, le déplacement annoncé de l’œuvre est décision purement politique.

« Nous n’avons pas besoin de cela pour être amis. Nous sommes amis depuis longtemps et nous le resterons longtemps. Mais les amis ne doivent pas menacer de telles œuvres d’art« , rétorque-t-il à ceux qui invoquent l’argument de la coopération culturelle franco-britannique.

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