
Les musées américains sont dans l’angoisse face à l’offensive anti-diversité enclenchée par l’administration Trump.
« ‘On m’a chargée de vous appeler pour vous dire que l’exposition du musée est terminée' ». Quand Cheryl D. Evans, commissaire de « Before the Americas » raconte le coup de fil qui a scellé le sort de cette exposition censée s’ouvrir le 21 mars prochain, c’est avec stupéfaction.
« Personne n’utilise ce mot dans le milieu de l’art : terminée », s’étrangle-t-elle dans des propos rapportés par le Washington Post au sujet de cet appel reçu d’Adriana Ospina, la directrice de l’Art Museum of the Americas (AMA) de Washington, le 6 mars dernier.
Un coup d’arrêt définitif pour cette manifestation artistique censée mettre en lumière des artistes afro-américains, afro-latinos et caribéens autour de la thématique de la mémoire ancestrale. Mais pas le dernier. Dans ce même musée de la capitale américaine, une autre exposition centrée cette fois sur des artistes queer des Caraïbes, a été annulée.
La raison ? Le souci de se conformer aux directives de Donald Trump visant à littéralement effacer tout programme se rapportant au concept de « diversité, équité, inclusion » (DEI) promue sous son prédécesseur Joe Biden, à la tête des États-Unis.
« Ce n’est que le début »
Une véritable chasse ouverte contre le progressisme conformément à son agenda d’ultra-conservatisme.
Pour Pap Ndiaye, spécialiste de l’histoire sociale des États-Unis et ancien ministre français de l’éducation nationale interrogé par Le Monde, il s’agit d’« une situation inédite depuis le maccarthysme » en référence à la période 1950-1954 marquée par l’hystérie collective et des atteintes aux droits fondamentaux au nom de la sécurité nationale ou de l’idéologie dominante aux États-Unis.
« Ce n’est que le début« , estime auprès du Monde, Elizabeth Larison, directrice art et culture de la Coalition nationale contre la censure (NCAC), confirmant l’inquiétude palpable dans le rang des acteurs culturels.
Elle dit avoir d’ores et déjà recensé, via son organisation, neuf cas de censure dans des institutions culturelles liées au gouvernement fédéral depuis l’investiture du nouveau président américain en janvier 2025.
Des mécènes privés absents
Le procédé est le même chaque fois de la part de l’administration fédérale : menacer de couper les vivres aux acteurs concernés.
Le National Endowments for the Arts, principale agence fédérale dédiée à la culture, a ainsi supprimé début février, son programme de bourses « Challenge America », à destination des communautés marginalisées à hauteur de 2,8 millions de dollars.
La situation est d’autant plus préoccupante que les mécènes privés, dont le soutien devient plus crucial que jamais, sont pour l’heure aphones. « C’est possible que certains trustees tournent casaque. On le voit dans les universités, ils prennent une drôle de tangente« , s’inquiète Laurent Dubreuil, professeur à l’université Cornell, dans les colonnes du journal français.
« Les artistes noirs ont toujours dû compter sur leur détermination à participer au canon occidental et européen. Tant que nous continuons à créer, à raconter notre histoire et à la documenter, nous ne perdrons jamais« , veut croire Cheryl D. Evans, qui appelle à la résilience.
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