Tout d’abord le livre de Monsieur Bigeard porte un titre évocateur : De l’ombre à la lumière du Nord. L’ouvrage est paru en été 2021 aux éditions Jets d’Encre. Ce spécialiste du management est consultant, un expert du monde sportif puisqu’il en a fait son métier. Derrière une histoire touchante et pleine de rebondissements, l’auteur s’inspire de véritables personnes qui ont toutes un parcours particulier, riche en émotions. Car c’est aussi (et surtout ça) le foot : une aventure humaine, où l’on se livre un combat contre soi-même et contre l’autre. Son héros Axel est comme une projection de lui-même dans la vraie vie.
Son narrateur va approcher de très près le colosse, Monsieur Linek. Un individu très charismatique qui n’a pas sa langue dans sa poche. Mais plutôt que de céder et se laisser impressionner, le protagoniste va le prendre de front et même le surprendre. Celui qui est tout d’abord vivement critiqué par cet homme bourru va devenir un chef de projet en interne. Loin des projecteurs, il veille au grain dans les coulisses, comme un metteur en scène. Si la foule et les spectateurs ne voient que les acteurs et la trame, l’organisation revient à des forces qui restent dans la pénombre. Afin de tirer le meilleur de chaque joueur, Axel enseigne de nombreuses leçons d’humilité, dans le but de faire progresser l’équipe fictive des Charbons Ardents, qui est en réalité inspirée du RC Club de Lens. Ce dernier a même remporté le titre de champion national en 1998 : un tournant pour cette équipe, propulsée au rang de star du sport. Malgré ses 392 pages, De l’ombre à la lumière du Nord se parcourt très rapidement. Les chapitres défilent, le lecteur a l’impression que les scènes qu’il découvre au fil des matches sont des retranscriptions parfaitement détaillées.
C’est normal : l’auteur a certainement puisé dans ses souvenirs concernant le Druide, Daniel Leclercq ainsi que Gervais Martel. Derrière chaque personnage qu’il présente, Monsieur Bigeard accorde une tendresse particulière à ces monuments du foot. Très attaché à la région du Nord–Pas-de-Calais, Stéphane Bigeard brosse une aventure qui plaira surtout aux supporters. Pourtant, ce n’est pas un texte qui se ferme à l’éclectisme littéraire. Avec un style plutôt oral et relativement accessible à tout le monde, le récit de Stéphane Bigeard lancerait presque un défi aux amateurs de foot les plus frileux, qui ne sont pas forcément fans de lecture. L’inverse s’applique à celles et ceux qui n’y connaissent rien. En effet, la puissance du roman réside dans sa part de divertissement et d’humilité. Dans cette grande cour des joueurs réputés, le scandale n’est jamais loin. C’est bien connu : le sport est fédérateur mais aussi révélateur des crises traversées par un peuple. Des hooligans en furie au Royaume-Uni aux élans de solidarité, le foot en voit de toutes les couleurs. Il faut dire que les esclandres font tant de bruits qu’elles couvrent les plus beaux gestes : on se souvient des supporters belges à Charlerloi qui ont jeté des peluches à Ostende pour les enfants défavorisés, il y a quelques années…
Comment réagiront les Charbons Ardents, face à leur propre destin ? Comment rester digne, lors d’une prodigieuse ascension, sans sombrer dans l’abus de confiance ? Après tout, il semble si facile de perdre l’esprit, quand l’on est considérés comme des héros. C’est là tout le challenge de celui qui va manager cette équipe dont le Menhir, en tête de liste. Pour cela, chaque joueur devra y mettre du sien, afin d’enchaîner les réussites et atteindre la victoire. Le mental est important : il faut compter sur les qualités des uns pour pallier les manques des autres. Plutôt que dépeindre cet univers si fermé comme une machine à rêves artificielle, Stéphane Bigeard parvient à poser des mots crédibles sur des situations parfois ordinaires et d’autres fois exceptionnelles.
Optimiser, accompagner, bousculer. Dans sa vision humaine et optimiste du sport, le personnage d’Axel ne sombre jamais dans la mièvrerie ou dans la malveillance. Bien au contraire, l’éthique est au cœur de ses préoccupations. Cet as du management est à rapprocher du développement de soi. En effet, ce qui s’applique pour le foot vaut aussi pour les sociétés et le travail de chacun, ainsi que les rapports et relations. C’est donc une réussite de divertissement, puisque le résultat est prenant, avec des scènes d’action qui s’enchaînent, ponctuées par des dialogues croustillants entre les personnages. Détecter et localiser le talent de l’autre, faire prendre conscience aux individus quels sont leurs atouts et leurs lacunes : ce n’est pas une mince affaire. Mais grâce à une volonté de fer et une passion contagieuse, Axel Coban traverse les épreuves avec brio.
Avec le recul, la victoire du RC Club de Lens générant un tel engouement pour le sport est plus que compréhensible. Dans cette zone réputée pour être une des plus pauvres de l’hexagone, ce sport réunit et réconforte. Et si le foot cachait un potentiel de défouloir — mais également une bonne façon d’apprendre à se connaître soi et aller vers l’autre ? En bref, ce livre fait partie des découvertes que l’on n’oublie pas de sitôt. Une plongée réussie dans un milieu qui demande à être lue en toute simplicité.
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